L’ancien ambassadeur François Zimeray est soutenu par l’Élysée pour devenir haut-commissaire adjoint aux droits de l’homme de l’ONU. Une promotion que les ONG et certains diplomates au Quai d’Orsay souhaiteraient éviter, car le candidat est jugé trop proche du gouvernement israélien.
Pendant les cinq années durant lesquelles il occupe cette fonction, il suscite des réactions mitigées. Certains louent le fait qu’il se rend régulièrement dans de nombreux pays pour y visiter des détenus politiques et plaider leur cause. D’autres voient en lui « une crapule comme j’en ai rarement vu », selon les mots du président d’une association de défense des droits humains, qui le juge superficiel et intéressé par sa propre promotion.
En 2013, Laurent Fabius devient le patron de la diplomatie et Zimeray est nommé ambassadeur au Danemark. En 2015, il se trouve sur les lieux d’un attentat islamiste à Copenhague. Lors de ses premiers témoignages, il raconte ne jamais avoir été en danger puisqu’il était dans une salle fermée où le public était filtré. Par la suite, il se présentera comme une victime du terrorisme qui a failli mourir. À la fin de son mandat, il crée un « cabinet d’avocats international associant ingénierie juridique et savoir-faire diplomatique ».
François Zimeray remplit bien les trois cases moquées par la CFDT : ami, courtisan et réfugié du suffrage universel. De 1999 à 2004, il a été député européen, placé sur la liste socialiste par Fabius. Mais à la fin de son mandat, il n’est pas reconduit par le PS, qui choisit de l’écarter. Il a fait tiquer beaucoup de socialistes par ses prises de position systématiques en faveur d’Israël et par ses dénonciations de l’Autorité palestinienne. La plupart de ses interventions au Parlement européen concernent en effet ces sujets. Il s’y illustre notamment en dénonçant les manuels scolaires palestiniens, qu’il accuse de prêcher la haine, et pousse l’Office antifraude de l’Union européenne à ouvrir une enquête sur le financement du terrorisme via un détournement des aides budgétaires de l’Europe par l’Autorité palestinienne. Une enquête qui durera une année et ne soulèvera aucun lièvre.
François Zimeray ne cache pas son amitié et son soutien à Israël et à la lutte contre l’antisémitisme. Il est le cofondateur du cercle Léon-Blum, qui remplace en marge du PS l’association Socialisme & Judaïsme, et du groupe MedBridge qui organise des conférences et surtout des voyages de députés européens en Israël, dans les territoires palestiniens et en Jordanie. Tout en prêchant la lutte contre l’antisémitisme (et parfois contre l’antisionisme, quand les deux ne sont pas confondus) et en faveur d’une paix équitable au Proche-Orient, ces organes sont perçus par beaucoup à gauche comme « des lobbys pro-israéliens », selon le mot d’un ancien élu socialiste qui a côtoyé Zimeray. « En soi, ce ne serait pas gênant s’il s’agissait de défendre Israël, mais, bien souvent, ces associations soutiennent les politiques du gouvernement israélien, qui a dérivé à l’extrême droite depuis vingt ans. »
Lorsqu’il est interrogé, François Zimeray explique toujours qu’il défend les aspirations des Palestiniens à leur propre État et qu’il faut adopter une position neutre dans le conflit et « n’être ni pro-israélien ni pro-palestinien ». « Quand on condamne l’un, on devrait être capable de condamner l’autre également », expliquait-il en 2004. Le seul souci est qu’on ne trouve jamais trace de la moindre critique des politiques israéliennes dans ses interventions, qu’il s’agisse de l’annexion illégale de territoires, du déséquilibre dans l’emploi de la violence ou des violations fréquentes des droits humains des Palestiniens – toutes fort bien documentées, entre autres, dans des rapports des Nations unies.
La plupart de ses accusations ciblent l’Autorité palestinienne, les islamistes du Hamas et, le plus souvent, les hommes et les femmes de gauche, en France, qui dénoncent les politiques israéliennes. Il est par exemple toujours prompt à taxer de « révisionnistes »ceux qui comparent Gaza à « un camp de concentration ». Lui préfère parler de « clôture de sécurité » pour le mur encerclant Gaza ou les territoires palestiniens. Selon le directeur d’une association française de protection des droits humains, « Zimeray est la courroie de transmission du gouvernement israélien en France. Il est complètement obnubilé par ça ».
Or l’une des missions récurrentes du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU est d’examiner annuellement la situation de la Palestine et des territoires occupés. C’est un point incontournable de l’agenda de l’organisation, mais qui est de plus en plus contesté. Par les Israéliens eux-mêmes – qui refusent de participer à cet examen périodique que le premier ministre Benjamin Netanyahou voudrait supprimer – et par les États-Unis. « La France, jusqu’ici, avait une position assez claire en faveur du maintien de ce point sur l’agenda, mais c’est en train de changer, raconte un bon connaisseur du HCDH. Certains diplomates français commencent à dire : “Cela ne sert à rien, Israël ne participe pas, etc.” Je ne suis pas naïf, je sais bien que le travail des institutions de l’ONU n’est pas toujours exempt de reproches, mais il a le mérite d’exister et de continuer à enquêter et à produire des rapports de terrain. »
D’après cet observateur, il y a un « agenda politique derrière la promotion de Zimeray : il y a la volonté de satisfaire Israël et de s’en prendre à l’agenda du HCDH ».Plusieurs ONG françaises se disent choquées par deux événements qui vont dans ce sens et qui se sont produits depuis les débuts de la présidence d’Emmanuel Macron. Tout d’abord l’invitation faite en juillet 2017 à Netanyahou d’assister aux commémorations de la rafle du Vél’ d’Hiv’, durant lesquelles il avait accrédité l’idée que le chef du gouvernement israélien représentait tous les juifs du monde. Et puis, plus récemment, le refus du moindre ministre français de venir remettre, comme c’est la coutume, le prix des droits de l’homme de la CNCDH à deux organisations, l’Israélienne B’Tselem et la Palestinienne Al-Haq, qui travaillent conjointement pour dénoncer les violations des droits des Palestiniens, mais qui sont dans le collimateur de Tel-Aviv.
« On assiste depuis la dernière année du mandat de Jacques Chirac en 2007 à un changement de fond de la politique française à l’égard d’Israël, estime le président de l’association de défense des droits humains. La nomination éventuelle de Zimeray s’inscrit dans ce cadre-là. » Elle n’est bien évidemment pas encore assurée, mais l’homme a déjà montré qu’il avait de l’entregent.