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Hamza Salha The Electronic Intifada 8 mars 2024
Il ne suffit pas que nous soyons confrontés chaque jour à une mort certaine du fait des frappes aériennes israéliennes. Aujourd’hui, nous mourons de faim à Gaza.
Il ne reste plus grand-chose à manger en dehors des aliments pour animaux : maïs, orge, foin. Nous ne pouvons même pas nous permettre d’acheter les aliments pour animaux de compagnie qui sont très chers au marché.
Serons-nous ensuite obligés de manger des feuilles d’arbre ?
Je suis resté dans le nord avec ma famille élargie, nous sommes une quarantaine en tout. Nous ne sommes pas allés au sud, malgré les bombardements israéliens quotidiens.
Les Nations unies préviennent que nous sommes très proches de la famine à Gaza, qu’elle est “presque inévitable”, bien que nous ayons l’impression d’y être déjà.
Au moins 20 Palestiniens sont morts de faim.
Ma famille fait tout ce qu’elle peut pour rester en vie.
Au cours des trois derniers mois, nous avons suivi un régime alimentaire précis. Chaque personne recevait deux morceaux de pain blanc par jour : un pour le déjeuner, un pour le dîner.
Ce nombre a ensuite été réduit à un morceau de pain par jour.
Au fur et à mesure que nos réserves de farine diminuaient, nous avons commencé à la mélanger à de la farine de maïs pour la faire durer plus longtemps.
Lorsque nous avons manqué de farine, nous avons mélangé notre semoule de maïs avec de l’orge. Aujourd’hui, nous en sommes au riz.
Je ne sais pas ce que nous mangerons quand il n’y en aura plus.
Les marchés n’ont plus de légumes, de viande, de poulet et d’œufs. Une fois ces produits épuisés, nous avons eu recours à des substituts.
Au lieu du lait, on utilise de la mayonnaise, au lieu des tomates, on utilise des produits en conserve, et ainsi de suite.
Quand on a faim, on ne pense qu’à ça.
De la fausse nourriture
Pourtant, je m’estime chanceux, car je ne suis responsable que de ma propre alimentation. Mes frères et sœurs et d’autres personnes ayant des enfants renoncent à leurs portions pour nourrir leurs enfants.
Ma belle-sœur Eman, 27 ans, est mère de jumeaux de 9 mois, Momen et Mahmoud, et de Zeina, 4 ans.
Eman souffre de malnutrition et a désespérément besoin de suppléments de calcium.
“Mes jumeaux se réveillent affamés plusieurs fois par nuit, en pleurant bruyamment”, explique-t-elle. “J’essaie de leur donner du thé à la camomille plutôt que du lait, en espérant qu’ils se rendormiront.
Au petit-déjeuner, les graines de sésame remplacent les œufs.
De l’eau contaminée au lieu d’une eau potable.
Les enfants, dont le système immunitaire est déjà affaibli, risquent de tomber gravement malades à chaque repas manqué.
Eman est extrêmement inquiète pour la santé de ses enfants, car ils n’ont pas reçu de vaccinations à jour.
Lorsque Zeina a faim, elle sort ses crayons de couleur et fait semblant de se régaler, faisant comme si les crayons étaient des brochettes.
Les crises des tout-petits
Mon neveu Omar, 6 ans, a également faim. Il vole maintenant la nourriture que sa mère cache pour son frère de 2 ans.
Omar a demandé à sa mère s’ils pouvaient faire des bonbons avec du sable au lieu de la farine.
La faim affecte notre humeur à tous, mais surtout celle des tout-petits. Omar passe la nuit à se disputer avec sa mère, sa faim le poussant à la crise.
Sa mère lui prépare une fine soupe d’eau et de sauce tomate le soir, en espérant que cela l’aidera à s’endormir.
Ma nièce Aya, 5 ans, économise son pain toute la journée pour avoir un repas plus complet le soir. Elle ne peut pas dormir l’estomac vide.
Étant si jeune, elle ne comprend pas pourquoi il n’y a pas de nourriture et elle supplie sa mère de lui en donner.
Aya a également développé une autre série de croyances. Elle pense que c’est l’armée israélienne qui nous a créés, car elle joue le rôle de Dieu dans nos vies, en contrôlant notre destin et en déterminant si nous mangeons ou non.
Le ramadan approche
En ce qui me concerne, j’ai atteint les limites de la faim plus d’une fois.
J’ai récemment trouvé un vendeur de shawarma dont les prix étaient astronomiques. J’avais caché un peu d’argent à ma famille et je l’ai dépensé pour un shawarma.
La culpabilité que j’ai ressentie en mangeant un repas, seul, est quelque chose que je n’avais jamais ressenti auparavant. Je me suis senti mal à l’aise de manger un shawarma, de manger de la nourriture devant quelqu’un et encore plus de dire à quelqu’un que j’avais mangé.
Le ramadan arrive bientôt et nous allons jeûner. Le soir, alors que nous avions autrefois des repas pour rompre le jeûne, nous continuerons à souffrir de la faim.
Hamza Salha est un journaliste basé à Gaza. Il écrit pour We Are Not Numbers.