Une lettre ukrainienne de solidarité avec le peuple palestinien

Traduction d’un article de Commons | Ballast

Face au drame qui a cours en Palestine, une centaine d’Ukrainiens — intellectuels, militants, syndicalistes, artistes et membres de la société civile — publie, ce jeudi 2 novembre 2023, une lettre ouverte à destination des Palestiniens. Une lettre « de peuple à peuple ». Soumise à l’invasion criminelle russe, l’Ukraine résiste avec l’appui de tous les pouvoirs occidentaux. Mais ces mêmes pouvoirs appuient parallèlement l’anéantissement de la bande de Gaza. Condamnant ce « deux poids, deux mesures » ainsi que le soutien que Volodymyr Zelensky, président ukrainien, apporte au gouvernement d’extrême droite israélien, cette lettre de solidarité internationaliste appelle à cesser la hiérarchisation des souffrances et à un cessez-le-feu, réclamé à travers le monde entier. Nous la traduisons.

Nous, chercheurs, artistes, militants politiques et syndicaux ukrainiens, membres de la société civile, sommes solidaires du peuple de Palestine qui, depuis 75 ans, subit et résiste à l’occupation militaire israélienne, à la séparation, à la violence coloniale, au nettoyage ethnique, à la dépossession des terres et à l’apartheid. Nous écrivons cette lettre de peuple à peuple. Le discours dominant gouvernemental, et même celui de groupes de solidarité qui soutiennent les luttes des Ukrainiens et des Palestiniens, crée souvent des séparations. Par cette lettre, nous rejetons ces divisions et affirmons notre solidarité avec tous ceux qui sont opprimés et qui luttent pour la liberté. En tant que militants attachés à la liberté, aux droits humains, à la démocratie et à la justice sociale — et tout en reconnaissant pleinement les différences en termes de pouvoir —, nous condamnons fermement les attaques contre les populations civiles, qu’il s’agisse d’Israéliens frappés par le Hamas ou de Palestiniens frappés par les forces d’occupation israéliennes et les gangs de colons armés. Le ciblage délibéré de civils est un crime de guerre. Cela ne justifie toutefois pas la punition collective que subit le peuple palestinien, pas plus que l’identification de tous les habitants de Gaza au Hamas et l’utilisation aveugle du terme de « terrorisme » appliqué à l’ensemble de la résistance palestinienne. Cela ne justifie pas non plus la poursuite de l’occupation. Faisant écho à de multiples résolutions des Nations unies, nous savons qu’il n’y aura pas de paix durable sans justice pour le peuple palestinien.

Le 7 octobre, nous avons été témoins de la violence du Hamas contre les civils en Israël…

Suite : https://www.revue-ballast.fr/une-lettre-ukrainienne-de-solidarite-avec-le-peuple-palestinien/

Déclaration publique signée par 790 universitaires : ils mettent en garde contre un génocide potentiel à Gaza

Dans un monde où les États puissants font preuve d’une impunité de plus en plus effrontée, il est essentiel de donner une voix à ceux qui résistent. Avec près de 800 juristes, universitaires et praticiens, représentant un large éventail de perspectives universitaires et pratiques, j’ai signé une déclaration mettant en garde contre la possibilité d’un génocide à Gaza, en Palestine. Cette lettre ouverte souligne la gravité de la situation, en mettant en évidence de nombreux cas où l’État d’Israël semble avoir enfreint le droit international, au vu et au su de tous et souvent avec l’aval d’une certaine classe politique et de médias serviles. Il est impératif que nous nous penchions sur ces transgressions et que nous demandions des comptes à ceux qui agissent au mépris du droit international et de la décence humaine la plus élémentaire, aussi imparfaite soit-elle. Je demande instamment à chaque lecteur de réfléchir à cette déclaration et aux implications de ce qui se passe pour nous, pour le droit international et, surtout, pour le peuple palestinien.

Mohsen al Attar

15 octobre 2023

En tant qu’universitaires et praticiens du droit international, des études sur les conflits et les génocides, nous sommes contraints de tirer la sonnette d’alarme quant à la possibilité que les forces israéliennes commettent un crime de génocide contre les Palestiniens de la bande de Gaza. Nous ne le faisons pas à la légère, conscients du poids de ce crime, mais la gravité de la situation actuelle l’exige.

Les conditions préexistantes dans la bande de Gaza avaient déjà suscité des discussions sur le génocide avant l’escalade actuelle – comme par la National Lawyers Guild en 2014, le Tribunal Russell sur la Palestine en 2014, et le Centre pour les droits constitutionnels en 2016. Au fil des ans, des universitaires ont mis en garde contre le fait que le siège de Gaza pourrait constituer un « prélude au génocide » ou un « génocide au ralenti ». La prévalence du langage raciste et déshumanisant et des discours de haine dans les médias sociaux a également été notée dans un avertissement publié en juillet 2014 par le conseiller spécial des Nations unies pour la prévention du génocide et le conseiller spécial pour la responsabilité de protéger, en réponse au comportement d’Israël à l’encontre de la population palestinienne protégée. Les conseillers spéciaux ont noté que des Israéliens avaient diffusé des messages pouvant être déshumanisants pour les Palestiniens et appelant au meurtre de membres de ce groupe, et ont rappelé que l’incitation à commettre des crimes d’atrocité est interdite par le droit international.

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Lettre de démission de Craig Mokhiber, directeur du bureau new-yorkais en charge des droits de l’homme à l’ONU

Craig Mokhiber, ex-directeur du bureau de New York du Haut Commissariat aux droits humains, démissionne via cette lettre adressée au Haut Commissaire des Nations Unies, Volker Turk, le 28 octobre dernier, pour protester contre la timidité de certains éléments clés du système de l’ONU sur les questions relatives aux droits de l’homme des Palestinien.ne.s. Mokhiber travaille pour les Nations Unies depuis 1992 et a travaillé auparavant comme conseiller en matière de droits de l’homme en Afghanistan et dans les territoires palestiniens occupés.

Ci-dessous, la traduction de sa lettre de démission en français.

Le 2 novembre 2023

A Volker Turk, Haut Commissaire aux droits humains de l’ONU
Palais Wilson, Genève

Le 28 octobre 2023

Monsieur le Haut Commissaire,

Il s’agit de ma dernière communication officielle en tant que directeur du bureau de New York du Haut Commissaire aux droits de l’homme.
Je vous écris à un moment de grande angoisse pour le monde, y compris pour beaucoup de nos collègues. Une fois de plus, nous assistons à un génocide qui se déroule sous nos yeux, et l’Organisation que nous servons semble impuissante à l’arrêter. J’enquête sur les droits de l’homme en Palestine depuis les années 1980; j’ai vécu à Gaza en tant que conseiller des Nations Unies pour les droits de l’homme dans les années 1990, et effectué plusieurs missions de défense des droits de l’homme dans le pays avant et depuis cette période. Cette situation m’affecte donc profondément.

J’ai également travaillé dans nos lieux d’intervention lors des génocides contre les Tutsis, les musulman.e.s bosniaques, les Yazidis et les Rohingyas. Dans chaque cas, lorsque la poussière est retombée sur les horreurs perpétrées contre des populations civiles sans défense, il est devenu douloureusement clair que nous avions manqué à notre devoir de répondre aux impératifs de prévention des atrocités de masse, de protection des personnes vulnérables et à notre obligation de rendre des comptes aux auteurs de ces actes. Il en a été de même avec les vagues successives de meurtres et de persécutions à l’encontre des Palestinien.ne.s depuis la création des Nations Unies.

Monsieur le Haut Commissaire, nous échouons à nouveau.

En tant qu’avocat spécialisé dans les droits de l’homme, fort d’une expérience de plus de trente ans dans ce domaine, je sais bien que le concept de génocide a souvent fait l’objet d’abus politiques. Mais…

Suite :  https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/11/02/demission-de-craig-mokhiber-directeur-du-bureau-new-yorkais-en-charge-des-droits-de-lhomme-a-lonu/

Gaza à bout de souffle : 7045 morts et 18 273 blessé.e.s au 19ème jour des bombardements israéliens

Depuis hier, les bombardements israéliens s’intensifient et n’épargne aucun recoin de la bande de Gaza, alors que le manque de ressources vitales rend la survie des civil.e.s gazaoui.e.s particulièrement difficile.

Par l’Agence Média Palestine, le 23 octobre 2023

22 October 2023, Palestinian Territories, Rafah: Palestinians inspect the rubble after an Israeli strike targeted the city of Rafah. Photo: Abed Rahim Khatib/dpa – Photo by Icon sport

Depuis samedi, l’aide humanitaire arrive au compte goutte à Gaza par le passage de Rafah, alors que des fonctionnaires de l’ONU indiquent qu’une centaine de camions seraient nécessaires chaque jour pour répondre aux besoin essentiels de la populations gazaouie. Les stocks de nourriture et d’eau s’épuisent petit à petit alors qu’Israël interdit toujours l’acheminement de carburant et d’anesthésiant dans l’enclave assiégée.

Depuis hier, Israël intensifie ses bombardements sur Gaza, et tue au moins 438 Palestien.ne.s dont 182 enfants au cours de frappes aériennes ininterrompues et d’une extrême violence la nuit dernière. La grande majorité des tué.e.s et blessée.e.s se trouvaient au sud de la bande de Gaza, là où il leur avait été demandé de se réfugier quelques jours auparavant.

Le bilan humain atteint alors les 5087 morts ce lundi matin, dont 2000 enfants, selon le Ministère de la Santé Palestinien. Plus de 15 273 personnes ont été blessées et au moins 1500 autres sont coincées sous les décombres, dont 830 enfants. Selon un rapport de OCHA, plus de 42{2a956abded9970593cbd62caf61972e57a2b33c516ff84efe9b5bd0a5d15097c} des habitations civiles ont été détruite à Gaza depuis le 7 octobre.

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Ahmed Tobasi, comédien palestinien : « Merci aux théâtres français de faire entendre nos histoires »

Le combattant des années 90 et directeur d’un théâtre en Cisjordanie tourne  avec son one-man show « And Here I Am » dans plusieurs villes de France, malgré l’annulation d’une de ses dates, à Choisy-le-Roi, en raison de l’attaque du Hamas en Israël.

par Ève Beauvallet
publié le 22 octobre 2023 à 13h10
(mis à jour le 22 octobre 2023 à 17h25)

Un jour, quelque part dans les années 90, au détour d’une ruelle du camp de réfugiés de Jénine en Cisjordanie, un homme charismatique s’est avancé vers un adolescent engagé dans la lutte armée et lui a dit : « Tu ne pourras pas libérer la Palestine qu’avec des armes. En revanche, le théâtre est une arme sérieuse. » L’homme s’appelait Juliano Mer-Khamis, il était citoyen israélien militant pour les droits des Palestiniens, fondateur à Jénine d’un théâtre de fortune nommé le Freedom Theatre, et menait un seul combat, le plus dur : la troisième Intifada, pour lui, serait une « Intifada culturelle ». Alors, aujourd’hui, sur la petite scène des Subs à Lyon, où il a fini par arriver après un périple de quatre jours depuis Jénine, l’adolescent devenu acteur de 39 ans, Ahmed Tobasi s’avance vers le public tandis que s’affiche en surtitre cette phrase manifeste : « La voilà, ma chance, pour tout changer ».

Pour « tout changer », donc, un one man show, And Here I Am, écrit pendant quatre ans avec l’auteur irakien Hassan Abdulrazzak et la metteure en scène britannique Zoe Lafferty. Non pas pour expliquer au public étranger « qui a raison et qui a tort » sur le dossier israélo-palestinien, pas pour tenter à tout prix de «faire pleurer dans les chaumières» mais pour que le monde connaisse « aussi les artistes et les histoires palestiniennes ». Et celle de Tobasi offre ici une chronique de la vie ordinaire des ados en territoires occupés, rythmée à l’énergie burlesque, quelque chose en somme comme la Vie secrète des jeunes de Riad Sattouf, sauf que les jeunes ici finissent souvent martyrs ou incarcérés pour « terrorisme » dans les geôles israéliennes.

« Engagé à faire connaître ma réalité »

Ahmed Tobasi tourne avec son show depuis six ans, du Chili au Royaume-Uni. Il aimerait le jouer aux États-Unis : « Je n’en suis pas banni mais je n’ai pas encore réussi à y aller : quand ils voient que je suis Palestinien avec un passeport norvégien et que je fais mes demandes de visas depuis la Jordanie, ils ne comprennent pas bien… » « Pour tout changer », évidemment, il aurait fallu pouvoir jouer en Israël, le lieu dont il rêve le plus pour ce show, le lieu impossible. « Un jour, un Israélien est venu voir ma pièce à Londres et a exprimé le souhait de travailler avec nous, à Jénine. J’ai refusé, parce qu’on n’aurait pas été égaux, mais je lui ai dit de monter un “Freedom Theatre” en Israël et d’organiser les conditions de nos invitations mutuelles. » Le 7 octobre, ce rêve s’est un peu plus transformé en fumée. Reste la France, entre autres, pour « tout changer » ?

Comme le rappelait aux médias le maire de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), Tonino Panetta (LR), qui annulait la première date de la tournée française initialement prévue le 12 octobre, et que supervise le festival Sens Interdits, And Here I Am ne contient rien qui appelle à la violence mais il s’agit d’un spectacle « engagé ». « Engagé à faire connaître ma réalité, oui », répond devant nous Tobasi : la réalité d’un enfant né dans un camp de réfugiés palestinien, marqué par les deux Intifadas (1987-1993 et 2000-2005) qui, comme les autres enfants du camp « ne sait pas ce qu’est un civil israélien, parce qu’il ne voit que des soldats ». Celle d’un ado qui rêve d’être DiCaprio dans Titanic pour séduire une fille, puis d’être Rambo pour séduire la même fille, jusqu’à ramasser dans ses mains le cerveau d’un de ses amis explosé par un tir israélien. Celle, ensuite, d’un jeune homme engagé dans la lutte armée, arrêté en 2002 après avoir, selon lui, échoué à jeter un explosif sur un véhicule militaire israélien, un acte relativement peu « héroïque », selon ses critères de l’époque (il a dans la panique, rejoue-t-il sur scène, lancé le briquet au lieu de la bombe).

Ahmed Tobasi sera incarcéré de ses 17 à ses 21 ans dans une prison israélienne, et ressuscitera après une dépression aiguë grâce au Freedom Theatre de Juliano Mer-Khamis. Après, c’est l’envol vers Bruxelles pour un festival où l’acteur en herbe est accueilli « en VIP » par des milieux culturels de gauche romantisant la figure du « résistant palestinien ». C’est la découverte de la vie étudiante en arts à Oslo, et la promesse de ne jamais remettre un pied en Palestine. Jusqu’à ce que la nouvelle tombe un jour sur son fil Facebook : en 2011, Juliano est assassiné à 52 ans dans des circonstances encore débattues. Aujourd’hui, Ahmed Tobasi poursuit donc à Jénine la mission de son ancien mentor. Un mentor qu’il considéra d’abord « comme un traître, qui nous détournait de la vraie lutte », raconte-t-il devant un café. « Parce que le rêve des enfants, ici, c’est d’être martyr, pas d’être acteur. »

Assurer le bon déroulé de la tournée

Pour l’heure, le théâtre de Jénine est totalement à l’arrêt. Alors « merci, aux partenaires français, de continuer à faire entendre nos histoires » hors des murs de Cisjordanie, parce qu’en Suède, par exemple, la tournée prévue en décembre a entièrement été déprogrammée au lendemain de l’attaque du Hamas en Israël. Pour l’heure, en France, seule la date prévue à Choisy-le-Roi le 12 octobre a été annulée. « Reportée », rectifie fermement le cabinet du maire dans un contexte où nul ne sait, cependant, quand il sera à nouveau possible de repartir de Cisjordanie une fois rentré. La décision fut prise, « par respect pour toutes les victimes » et « par mesure de sécurité, dans une ville où vivent pour l’instant très bien ensemble deux fortes communautés juive et musulmane », rappelle-t-on au cabinet, qui assure que la décision aurait été la même si un « spectacle israélien engagé » avait été programmé au lendemain des attaques.

Dans la mesure où l’occasion n’a pas été donnée à la mairie de Choisy-le-Roi d’illustrer cette impartialité, ce « report » a immédiatement embrasé la torche du « deux poids deux mesures », comme en témoigne en tout cas le communiqué publié dans la foulée par le Freedom Theatre de Jénine. « Par respect pour toutes les victimes ? C’est tout simplement de l’hypocrisie quand Paris illumine la tour Eiffel en blanc et bleu. […] » Les premières représentations en France ont pu se donner à Bordeaux, où plusieurs programmateurs ont manifesté leur souhait d’accueillir le one-man show si l’équipe choisissait de rester plus longtemps sur le territoire. En attendant, les échanges se poursuivent entre structures culturelles et autorités pour assurer le bon déroulé de la tournée. « Les discussions sont vives, nous glisse-t-on. Certains considèrent que jouer dans ce contexte, c’est risqué, d’autres considèrent que symboliquement, annuler ou reporter l’est bien davantage. »

« And Here I Am », mise en scène de Zoe Lafferty, avec Ahmed Tobasi, d’après le récit de sa vie. Les 21 et 22 novembre au Théâtre Joliette à Marseille, le 24 novembre au Théâtre l’Alibi à Bastia, le 28 novembre au Safran à Amiens.

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