Une coopérative de résistance
Comme chaque matin pendant les deux mois de saison, la cueillette démarre à 4h. Une équipe se lève pour aider R. à cueillir son raisin. La vente a lieu à la criée … dans la foulée! Évidemment, à cette heure, l’exercice se fait à la lampe frontale … le soleil ne rougissant qu’à partir de 6 h !
Si la majeure partie de la production est du raisin de table, l’excédent peut aujourd’hui être transformé en jus de raisin notamment grâce à la création en 2006 de la coopérative “Al Sanabel” de Halhul. Elle regroupe 65 coopérateurs représentant environ 325 paysan-nes. Les objectifs sont multiples s’inscrivant autour de la préservation des terres et la lutte face à la colonisation. Elle permet notamment :
- – De maintenir à un prix équitable le cours du raisin incitant les gens à cultiver à nouveau leur terre ou à s’installer comme nouveau viticulteur, en leur garantissant une juste rémunération et donc en limitant la mise en concurrence entre producteurs.
- – De favoriser ainsi la solidarité entre paysans en cas “de coups durs” dans la production et/ou face aux exactions des colons ou du gouvernement israélien (en 2018, 1300 pieds de vignes ont été tronçonnés par les colons, étonnamment l’armée israélienne n’était pas à son point de vigie cette nuit là…).
- – De limiter les pertes en transformant la matière première en jus de raisin voire en debs (sorte de sirop épais que les palestiniens mangent au petit déjeuner).
C’est donc dans les locaux de la coopérative que nous poursuivons notre matinée. Nous commençons par ranger et nettoyer le sous-sol afin de permettre l’installation d’une chambre froide. Les bouteilles vides ramenées sont réutilisées par une coopérative de femmes pour contenir du debs. Ensuite, nous participons à au pressage du raisin et découvrons ainsi comment cela fonctionne.
“Cultiver, c’est résister”
L’après-midi s’est poursuivie à Hébron, ville emblématique de l’apartheid mis en place par l’État israélien. En plus de ce que nous avons visité le 11 octobre, nous nous sommes rendus à la mosquée d’Abraham où a eu lieu, en 1994, une attaque terroriste contre des palestiniens par un médecin de l’armée israélienne. L’auteur du massacre a été considéré comme un héros par le pouvoir israélien et a une statue dans la colonie voisine d’Hébron, Keryat Arbaa. Les victimes, en revanche, ont subi une forte répression : les personnes, en état de légitime défense, qui ont éliminé le tueur ont été condamnées à 15 ans de prison ; Deux tiers de la mosquée ont été confisqués pour en faire une synagogue, et des rues entières ont été fermées aux palestiniens ( 560 commerces fermés, expulsion arbitraire massive,etc.) ; le marché et la station de bus ont été confisqués. Pour rappel, à la suite du massacre sont signés les accords d’Hébron en 1997 : la ville est divisée en 2 zones ( H1- autorité Palestinienne et H2 – autorité Israélienne ).
Aujourd’hui un tiers de la vieille ville est aux mains des colons, environ 500 personnes armées protégés par 3000 soldats israéliens rendent au quotidien la vie infernale aux palestiniens d’Hébron.
Encore une fois, cette immersion dans la ville nous laisse face à un sentiment profond d’injustice et d’écœurement.