18ème campagne de cueillette des olives en Palestine occupée - Halhul, 16 Octobre

De bon matin nous avons cueilli 600 kilos de raisin noirs pour Gaza, heureux de participer à ce “pont entre deux mondes”…
Pour autant c’est seulement après de nombreux contrôles ( quantité/pesticides… ) et taxations ( changements de transports selon la zone… ) effectués par les pouvoirs Israéliens, que ces soixante caisses de raisin arriveront, d’ici à trois ou quatre jours, dans les commerces des Gazaouis, avec qui le contact est impossible.
La bande de Gaza compte environ 2 000 000 d’habitants, dont 700 000 dans la ville même, pour 40 kilomètres de long et 5 à 11 kilomètres de large ( 51 kilomètres de frontière avec Israël et 11 avec l’Egypte ), ce qui fait 4800 Gazaouis au kilomètre carré.
Gaza est colonisée par les Israëliens depuis la guerre des six jours et est gouvernée par le Hamas depuis 2007.
Aujourd’hui rien ni personne n’entre ni ne sort de la bande sans autorisation et passage aux check-points Israéliens
À la coopérative nous avons ensuite poursuivi le processus de fabrication du jus de raisin par la mise en bouteilles, environ 2200 litres de jus ayant été longuement pressé la veille.
Une belle et riche idée que cette coopérative qui, par la fabrication de ses produits ( différents jus, pressage pour le Debs faits par les coopératives de femmes… ), soutient les paysans pour vivre de leur travail, en limitant les pertes. Essentiel afin qu’ils continuent de cultiver, avec détermination et dignité, malgré l’omniprésence des colonisateurs sur leurs terres.
En fin de journée nous assistons à une manifestation officielle à la mairie de Halhul, qui remercie  les participants de la fête du raisin, festival qui a lieu chaque année dans la ville fin septembre… si jamais le cœur vous en dit 😉
Enfin nous filons à l’usine de kufiya de Hébron ‘Hirbawi”, passage obligé avant notre départ prochain. Vieille de 58 ans, cette entreprise familiale est la dernière encore  en activité en Palestine, cette méthode traditionnelle de fabrication étant en voie de disparition. Il nous faudra une bonne heure de négociation habile pour finalement repartir avec nos achat direction Halhul.

18ème campagne de cueillette des olives en Palestine occupée - Farkha, 16 et 17 Octobre

Mercredi 16 octobre

Cueillette des olives à Deir Ballut, entourée de trois colonies. Plus de cent personnalités officielles, gouvernorat,  policiers, étudiants sont réunis pour l’inauguration officielle de la cueillette, sous le regard des médias.

Rencontres et discussions notamment avec deux policiers qui nous parlent de leur famille : un frère en prison à vie depuis quinze ans, un frère exécuté par l’armée israélienne.

Pendant la journée, rencontre avec une jeune femme de 23 ans qui nous dit avoir peu d’espoir sur l’avenir de la Palestine, mais n’imagine pas vivre ailleurs.

L’après midi : à Naplouse, nous nous rendons au camp de Balata. Les points qui nous ont le plus marqué au cours de notre rencontre avec le rédacteur du journal du camp:

  • Le non droit de vote aux municipales de Naplouse pour les réfugies, ne sont ils pas des habitants de Naplouse ?
  • Ils disent vivre un racisme de la part des gens de Naplouse
  • Les différences de droits entre palestiniens et réfugiés , écoles, accès aux soins…
  • La structure de la ville avec ses rues étroites

Expérience à renouveler pour les prochains groupes. Tous les participants ont beaucoup apprécié.

Jeudi 17 octobre

Cueillette à Sarta, village palestinien a proximité de Barkan, entouré de deux colonies de peuplement, pour un des groupe, l’autre groupe allant vers Kiryat Netafim, avec un reportage de la télévision palestinienne. Les deux jeunes palestiniens qui nous accompagnent nous disent qu’eux même et leurs frères travaillent en Israël et dans les colonies.

Ce jeudi soir , Baker nous a prévu une fête d’au revoir et nous rejoindrons Jérusalem demain, vendredi pour un échange avec Michel Warschawski.

18ème campagne de cueillette des olives en Palestine occupée - Halhul, mardi 15 Octobre

Une coopérative de résistance

Comme chaque matin pendant les deux mois de saison, la cueillette démarre à 4h. Une équipe se lève pour aider R. à cueillir son raisin. La vente a lieu à la criée … dans la foulée! Évidemment, à cette heure, l’exercice se fait à la lampe frontale … le soleil ne rougissant qu’à partir de 6 h !
Si la majeure partie de la production est du raisin de table, l’excédent peut aujourd’hui être transformé en jus de raisin notamment grâce à la création en 2006 de la coopérative “Al Sanabel” de Halhul. Elle regroupe 65 coopérateurs représentant environ 325 paysan-nes. Les objectifs sont multiples s’inscrivant autour de la préservation des terres et la lutte face à la colonisation. Elle permet notamment :
  • – De maintenir à un prix équitable le cours du raisin incitant les gens à cultiver à nouveau leur terre ou à s’installer comme nouveau viticulteur, en leur garantissant une juste rémunération et donc en limitant la mise en concurrence entre producteurs.
  • – De favoriser ainsi la solidarité entre paysans en cas “de coups durs” dans la production et/ou face aux exactions des colons ou du gouvernement israélien (en 2018, 1300 pieds de vignes ont été tronçonnés par les colons, étonnamment l’armée israélienne n’était pas à son point de vigie cette nuit là…).
  • – De limiter les pertes en transformant la matière première en jus de raisin voire en debs (sorte de sirop épais que les palestiniens mangent au petit déjeuner).

C’est donc dans les locaux de la coopérative que nous poursuivons notre matinée. Nous commençons par ranger et nettoyer le sous-sol afin de permettre l’installation d’une chambre froide. Les bouteilles vides ramenées sont réutilisées par une coopérative de femmes pour contenir du debs. Ensuite, nous participons à au pressage du raisin et découvrons ainsi comment cela fonctionne.
“Cultiver, c’est résister”
L’après-midi s’est poursuivie à Hébron, ville emblématique de l’apartheid mis en place par l’État israélien. En plus de ce que nous avons visité le 11 octobre, nous nous sommes rendus à la mosquée d’Abraham où a eu lieu, en 1994, une attaque terroriste contre des palestiniens par un médecin de l’armée israélienne. L’auteur du massacre a été considéré comme un héros par le pouvoir israélien et a une statue dans la colonie voisine d’Hébron, Keryat Arbaa.  Les victimes, en revanche, ont subi une forte répression : les personnes, en état de légitime défense, qui ont éliminé le tueur ont été condamnées à 15 ans de prison ; Deux tiers de la mosquée ont été confisqués pour en faire une synagogue, et des rues entières ont été fermées aux palestiniens ( 560 commerces fermés, expulsion arbitraire massive,etc.) ; le marché et la station de bus ont été confisqués. Pour rappel, à la suite du massacre sont signés les accords d’Hébron en 1997 :  la ville est divisée en 2 zones ( H1- autorité Palestinienne  et H2 – autorité Israélienne ).
Aujourd’hui un tiers de la vieille ville est aux mains des colons, environ 500 personnes armées protégés par 3000 soldats israéliens rendent au quotidien la vie infernale aux palestiniens d’Hébron.
Encore une fois, cette immersion dans la ville nous laisse face à un sentiment profond d’injustice et d’écœurement.

18ème campagne de cueillette des olives en Palestine occupée - Farkha, mardi 15 Octobre

Ce matin retour de bon matin à Zawiya pour aller observer le passage des paysans palestiniens ayant des terres dans le périmètre de la colonie de Elkana. Cette colonie est entourée de trois clôtures et d’une piste de ronde au delà des zones d’habitation. Cela intègre des oliveraies et zones de pâtures appartenant aux villages palestiniens voisins. Ici plus de 500 ha sont donc isolés du reste du terroir villageois.
Une porte dans la clôture extérieure permet aux paysans d’atteindre leurs parcelles mais elle n’est ouverte -et refermée- que trois fois dans la journée: à 6h, 13h, et 19h. Ce matin une cinquantaine de piétons, trois vélos et un tracteur attendent au point du jour.
Le fourgon chevrolet noir de l’armée arrive avec 30 minutes de retard. Il en sort trois jeunes femmes militaires armées qui ouvrent l’étroite porte et contrôlent pièce d’identité et laisser passer des travailleurs. Le tracteur passe après quelques pourparlers. Après plus d’une heure d’attente certains paysans ont encore 5 km à pied ou en bus pour atteindre leurs parcelles. Malgré la barrière de la langue nous avons compris par les gestes qu’ils risquaient de se faire alpaguer par des colons, qu’ils trouvaient certains arbres coupés et que les sacs d’olives laissés sur place devaient être bien cachés.
Cette scène illustre les multiples entraves à la libre circulation que nous observons: larges tronçons d’autoroute réservés aux Israéliens tandis que les palestiniens serpentent dans la montagne sur des routes fortement déconseillées aux israéliens. Un jeune nous témoigne également qu’il faut si tout  va bien trois jours pour obtenir un laisser passer pour aller à Jérusalem. Le tout sous le contrôle de l’armée, des cameras de video-surveillance et de quelques milliers de kilomètres de barbelés…
Comme pour lever cette chape sur nos têtes, un énorme orage s’est levé à notre retour à la maison laissant tomber une pluie bénéfique pour les oliviers et les semis d’automne.

 

18ème campagne de cueillette des olives en Palestine occupée - Halhul, lundi 14 Octobre

Ce matin départ du groupe vers Ramallah, nous nous rendons à la conférence internationale intitulée : “Food sovereignty… Colony and frontiers”, réunion à l’initiative de trois organisations : “Via Campesina”, “Social and Economic Policies Monitor” et “UAWC (Union of agricultural Work Committees”.

“Via Campesina” regroupe 182 organisations syndicales et associations paysannes de 81 pays, ce qui représente environ 200 millions de paysans(es) réunis autour de la défense de la culture paysanne de solidarité, de la souveraineté alimentaire, de la défense des peuples autochtones et de l’égalité des sexes.
C’est un mouvement qui se revendique autonome, indépendant des pouvoirs publics, contre le capitalisme international, promoteur du lien entre l’homme et la terre (notion de mémoire et de patrimoine) et qui souhaite “porter la voix des sans voix”.

Muni de nos oreillettes nous permettant ( mas o menos )  une traduction en Anglais ou Espagnol nous avons pu entendre (ainsi que des Gazaouis présents en visio-conférence) l’allocution d’ouverture de la conférence.  Des représentants de chacune des associations introduisent le propos du congrès en commençant par rendre hommage aux martyrs et aux prisonniers “qui meurent et souffrent la torture pour la cause” ainsi qu’aux agriculteurs qui travaillent et luttent pour la préservation de leurs terres. Ce rassemblement est l’opportunité “d’approfondir nos consciences libertaires”et de réaffirmer que, malgré les problèmes sociaux et politiques, les villages et les peuples ont le droit et le pouvoir de résister à l’hégémonie capitaliste mondiale en Palestine et ailleurs.

La souveraineté alimentaire est selon Via Campesina un levier de résistance contre l’oppression et/ou l’occupation ainsi qu’un moyen d’émancipation et de justice sociale et économique.
Nous assistons à la première session de discussions où plusieurs intervenants d’organisations internationales évoquent :
  •  La nécessité de changement de système créé par et pour une minorité de personnes qui privatisent et conservent pour eux-même les richesses souvent produites par le labeur d’autres. Système créateur de pauvreté comme ici en Palestine par la destruction de la capacité des villages à produire. (expulsions, destructions des infrastructures et plantations, vols des terres)
  • Le problème de la dépendance économique alimentaire et technologique au régime oppresseur (inondation du marché par les produits Israéliens à prix cassés) et de la nécessité d’en sortir par la création d’organisations collectives et indépendante à taille humaine (type coopératives, regroupements ayant fait leurs preuves pour assurer l’autosuffisance dans un système colonial).
  • La différence entre “souveraineté alimentaire et “sécurité alimentaire” :  si cette dernière prévoit un accès équitable à l’alimentation, elle ne garantit pas le contrôle de la distribution aux producteurs eux-même.
  • De l’intérêt du commerce en circuit court (économie populaire) et de la redéfinition et/ou  de la création (recréation) du lien direct entre consommateurs et producteurs “le consommateur se définissant par ce dont il a besoin” (qualité//quantité).
  • De l’importance de “l’éducation” alimentaire et au rapport à la terre et de l’indispensable formation technique (agro-écologie, nouvelles technologies…)
Dénonçant la spoliation de la terre et l’usurpation de l’histoire et la mémoire palestinienne, l’économie capitaliste et le projet colonial en Palestine, la Via Campesina revendique le temps de l’action concrète, pacifiste, dans “cette marche vers la lumière et la résistance”.
… sur le chemin retour, nous faisons une halte au musée rendant hommage à Mahmoud Darwich (1941-2008), célèbre écrivain poète palestinien qui n’a cessé d’évoquer le lien avec sa terre et ses racines. “je rends le ciel à sa mère quand il pleure pour elle et moi je pleure pour que le nuage me reconnaisse à son retour. Pour rompre les règles, j’ai appris tous les mots appropriés à la justice de sang. J’ai tout appris de la langue, je l’ai démêlée pour former un seul mot : patrie… “.
Les photos publiées dans cet ouvrage sont d’Olivier Thébaud, qui avait participé à l’une des premières campagnes de cueillettes organisées par le groupe de Rennes de l’AFPS